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Matthieu Brunet, Président de Windcoop.

Il y a quelques jours, Nils m’a envoyé les premières esquisses de notre bateau, réalisée par le bureau d’architecture navale Dykstra , spécialisés dans les voiliers, et entre autres auteurs du spectaculaire Maltese Falcon , le premier à mettre en œuvre des voiles de type “dynarig”.

Inutile de vous dire qu’à la vue de ces images, j’ai eu un petit moment d’émotion ! Jugez par vous-même !


Le lexique du marin accompli

Alors Nils me le répète, le bateau final sera certainement assez différent, car il ne s’agit là que de recherches pour définir plus précisément la taille, le coût, le type de propulsion, la vitesse… Mais bon, ça permet déjà de se projeter !

Pour vous permettre de comprendre un peu mieux, voici la première réaction d’un membre de l’équipe Zéphyr et Borée, Bernard Peignon : 

Avec ses lignes d’eau avant et sa largeur, il va débouler au “reaching” ! La solution “sheet support” pour le point d’écoute offre l’avantage d’offrir un bon plan d’appui pour les pontons ou les panneaux de cales pour une bonne étanchéité. Les slots frigo en pontée suffiront. Vraiment un bon début . Le tirant d’eau reste un sujet mais c’est un premier jet.

Vous avez rien compris ? rassurez-vous, moi non plus ! Grâce aux explications de Bernard et de Simon (ingénieur naval chez Z&B), j’ai pu faire ce petit lexique : 

  • débouler, c’est quand un bateau avance très vite ;
  • le reaching, c’est quand un bateau à le vent qui arrive de côté ou légèrement de l’avant ;
  • donc “débouler au reaching”, si j’ai bien compris, ce sont les moments où le contraste du vent de travers et de la grande vitesse donnent une impression particulièrement dynamique du navire, où il semble surgir, débouler à travers les vagues ;
  • Le “sheet support”, c’est la pièce en métal qui dépasse légèrement entre les deux voiles ;
  • Le point d’écoute est l’endroit où la voile s’accroche au “chariot d’écoute”, une sorte de rail qui permet de l’orienter ;
  • Les panneaux de cale sont des panneaux mobiles qui viennent fermer la cale une fois que les conteneurs sont chargés ;
  • Les slots sont les emplacements dans lesquels sont arrimés les conteneurs. Ils sont en pontées quand ils sont sur le pont et non dans la cale. Ils sont “frigo” quand ils ont un branchement électrique pour assurer la régulation de la température (pour le transport des produits frais) ;
  • Le tirant d’eau est la hauteur immergée du bateau, et donc la profondeur d’eau minimum dont il a besoin.

  • Plus aucun cargo à voile n’a été construit depuis 1926

    Pourquoi ces recherches préliminaires ? Et bien pour la bonne et simple raison que plus aucun cargo à voile n’a été construit depuis 1926 (en raison de l’avènement des moteurs à vapeur, puis des moteurs diesel), à l’exception du Grain de Sail il y a quelques mois. Et comme les techniques et connaissances ont quand même pas mal évolué depuis un siècle, il faut répondre à plein de questions qui ne s’étaient jamais posées.

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    En effet, la construction de voiliers de plaisance, et de course, ne s’est jamais arrêtée, et les performances se sont beaucoup améliorées. Mais le transport de marchandise répond à des besoins complètement différents, surtout depuis l’avènement du conteneur dans les années 50. Pour ranger ces grosses boîtes carrées, le plus simple est de les mettre dans une boîte carrée encore plus grosse, ce que sont les porte-conteneurs d’aujourd’hui. Ils ne sont pas très “hydrodynamiques”, mais ce n’est pas grave, au prix où est le fuel lourd (37 centimes le litre), il suffit de faire tourner les moteurs un peu plus vite !


    Où il est question de vitesse

    Pour un voilier, c’est une toute autre histoire, il faut absolument optimiser la vitesse, au risque de se trainer comme un escargot. Mais comme on le voit sur ce plan du Grain de Sail, les formes arrondies ne sont pas du tout optimisées pour les conteneurs, ce qui explique que la plupart des projets de voiliers-cargos modernes privilégient pour le moment le transport sans conteneurs. 

    Ce choix que nous avons fait pour le moment d’explorer une hypothèse avec conteneur apporte une autre contrainte, qui est liée, c’est celle de la taille du bateau. En effet, quelle que soit la forme définitive du bateau, il y aura toujours l’arrière (la poupe) et surtout l’avant (la proue) qui seront un peu profilés, et donc peu propice à l’imbrication de conteneurs. Le seul moyen est donc d’avoir le plus de “milieu” possible. Or, sur un 24 mètres comme celui de Grain de Sail, on voit qu’en gros, il n’y a qu’un arrière et un avant. C’est à partir de 50 mètres qu’on commence à pouvoir avoir une petite zone droite au milieu. C’est entre autres pour cela que ces premières recherches se sont basées sur une hypothèse de 70 mètres. Comme on le voit, on commence à avoir une zone centrale suffisamment grande pour ranger les conteneurs sans trop de pertes de place.


    Le choix du type de transport

    Mais pourquoi choisir le transport par conteneurs, me demanderez-vous ? Et bien principalement pour 2 raisons :

  • La première est que c’est pratique : les conteneurs sont remplis à quai par le producteur, puis sont fermés et scellés. Pendant tout le voyage, nous avons donc l’assurance qu’ils sont à l’abri de l’eau, du soleil, des nuisibles, du vol, etc. Cela permet aussi d’isoler facilement les matières bio des autres, simplifiant ainsi le travail des douanes. Et puis le chargement et le déchargement sont bien plus rapides : en une manipulation, on décharge l’équivalent de plusieurs dizaines de palettes et centaines de sacs.
  • La deuxième tient à la nature de notre projet, qui se veut d’emblée multi-chargeurs, et plutôt orienté agro-alimentaire. Il est fort probable que chaque voyage réunisse une dizaine de chargeurs différents, ce qui sera beaucoup plus simple à gérer avec des conteneurs fermés qu’avec des palettes ou des sacs !
  • Je reviendrais sur cette question de taille dans un prochain article, car c’est une question cruciale que nous devons trancher d’ici septembre. En attendant, je vous souhaite un bon été !